Introduction : une vision systémique de l’entreprise traduite en tests simples
Bien sûr, des règles empiriques existent pour évaluer une organisation : la taille des « râteaux hiérarchiques », le nombre de « niveaux hiérarchiques », ou la définition claire des postes et des relations de reporting dans le détail.
Ces règles sont de bon sens… mais elles sont formelles et ne renseignent aucunement sur la pertinence de l’organisation face aux défis spécifiques qu’elle affronte.
Nous proposons au contraire, en 9 tests, un outil d’analyse qui porte sur la pertinence de l’organisation dans son contexte ; très rapide mais très efficace, l’expérience nous le prouve.
En rapprochant les travaux de Nadler 1 sur la congruence et ceux, à peu près contemporains, de Gold
et Campbell 2 sur la structure organisationnelle, nous arrivons à la conclusion que l’organisation est la
résultante de 4 facteurs déterminants qui agissent en système :
- Une vision, traduite en stratégie Groupe, déclinée en stratégies produits/services/marchés assignées à ses Entités élémentaires et à son environnement (sous-traitance)
- Des contraintes internes et externes, qui définissent le ou les terrains de jeu de l’entreprise.
- Des personnes, avec leur culture, leurs compétences, leur motivation, leurs forces et faiblesses.
- Des organisations à proprement parler dans les Entités élémentaires, formelles et informelles, structures et processus, destinés à mobiliser ces personnes sur les finalités de la stratégie.
Il en résulte un diagnostic à deux échelles, avec des séries de tests différentes :
- Des tests de fit, à l’échelle du groupe :
Y a-t-il adéquation entre la vocation assignée aux entités élémentaires et les défis stratégiques à relever localement et globalement ? - Des tests d’efficacité à l’échelle de chaque entité :
Parvient-elle à assurer la congruence (c’est à dire l’harmonie) des différentes composantes de son organisation dans le jeu de contraintes où elle opère ?
A. Trois principes d’adéquation stratégique de l’organisation et tests associés: 1 à 3
Toute organisation doit refléter l’objectif, la vision, qu’elle poursuit, au moins dans ses grandes lignes, avant de regarder l’organisation sous l’angle des modèles opérationnels à choisir. C’est ce que les « tests de fit » ont vocation à évaluer.
Ils se déclinent en trois tests spécifiques selon qu’on examine :
- Le niveau Groupe qui doit apporter plus de valeur aux diverses Entités que si elles étaient seules
- Chaque Entité individuelle qui doit traiter son couple produit/marché avec des atouts spécifiques
- Ou le jeu de contraintes vécues à ces deux niveaux avec des atouts locaux ou globaux, à évaluer
1. Principe de stratégie de Groupe
Le Groupe doit apporter à chacune de ses entités une valeur ajoutée significative qu’elle ne pourrait obtenir isolément, et qui ne soit pas annulée ou même inversée par les contreparties exigées ou les inconvénients imposés par le Groupe : charges financières, lourdeurs et rigidités organisationnelles, manque d’attention stratégique, etc…
Test d’avantage de parentèle:
- Le Groupe apporte-t-il un « plus » stratégique en termes de valeur ajoutée ou d’initiative de marché ?
- Le Groupe fait-il en sorte de ne pas être un poids trop lourd ?
- Y a-t-il des entités qui souffrent spécifiquement de leur appartenance au Groupe ?
Il est fréquent que l’état-major d’un groupe, sans en être vraiment conscient, maltraite une entité par exemple un peu trop différente des autres, et finisse par détruire de la valeur. La solution peut résider dans une gouvernance opérationnelle adaptée à son cas spécifique, ou bien – cas extrême – dans la cession de l’activité à un autre parent plus attentif !
2. Principe de stratégies Produits/Marchés
Pour chaque ensemble homogène de produits/marchés aux facteurs clés de succès bien identifiés, la conception de l’organisation produisant ces produits/services doit se focaliser sur les priorités opérationnelles sources des avantages compétitifs recherchés.
Test d’avantage de marché:
- L’organisation reflète-t-elle les priorités opérationnelles, sources d’avantages compétitifs dans chaque segment produits/marchés ?
- Quelles parties de l’organisation sont sans lien avec ces avantages compétitifs ?
On constate trop souvent que les organisations s’écartent des facteurs clés de succès de leur stratégie soit parce qu’ils ont évolué, soit parce que l’organisation s’est rigidifiée. Par exemple, une répartition de pouvoir entre barons autour d’entités organisationnelles n’ayant plus de claire unité stratégique peut compromettre rapidement le développement d’un groupe. Il est donc bon de temps à autre de revérifier ce fit fondamental.
3. Principe de contraintes
L’organisation au service d’une stratégie doit prendre en compte toutes les contraintes connues et rendre l’atteinte des objectifs possibles.
Test de faisabilité:
- Quelles sont les principales contraintes ?
- L’organisation les affronte-t-elle au bon niveau de l’organisation et d’investissement ?
- Certaines de ces contraintes menacent-elles le Groupe, une Entité, un business… ?
Une entreprise de notre connaissance a adopté une stratégie ambitieuse nécessitant un renouvellement radical de sa force de vente traditionnelle et de son mode de fonctionnement. Elle est en grande difficulté pour ne pas avoir pris la mesure du défi qu’elle s’était lancée.
Ces trois tests de fit sont à faire en premier parce que leurs principes sont directeurs pour le reste du travail organisationnel.
B. Six principes de bon design organisationnel et leurs tests associés : 4 à 9
Une fois les trois principes directeurs de fit organisationnel testés, on peut en effet s’intéresser à l’efficacité des organisations proprement dites, avec les six principes et tests de bon design :
4. Principe de spécialisation
Le développement de compétences de spécialistes clefs doit être protégé par l’organisation.
Test des cultures de spécialistes :
- Les spécialités critiques pour le modèle opérationnel sont-elles identifiées en tant que telles ?
- Les spécialités critiques sont-elles compatibles avec un mélange ou doivent-elles être isolées dans un département voire une entité spécifique ?
- Les départements ou entités dotés de culture de spécialiste, qui ont besoin d’être différentes de celles des autres entités sœurs ou parentes, disposent-elles d’une protection suffisante contre la culture dominante du groupe ?
La culture dominante d’une organisation peut contrarier voire tuer des activités à la culture différente. Dans certains cas, la meilleure façon de développer et de lancer un nouveau produit est de créer une entité séparée, ou bien, préférentiellement, de reconnaître le besoin de protection en adaptant les règles ou procédures, ou encore en donnant de l’autonomie.
5. Principe de coordination
Les activités qui ont besoin d’être coordonnées doivent être logées à l’intérieur d’une même
entité
Test des liens difficiles :
- L’organisation requiert-elle des « liens difficiles », c’est-à-dire des bénéfices attendus de la coordination ?
- Ces liens difficiles se situent-ils entre deux entités ou entre deux départements ?
- L’organisation inclut-elle des « solutions » qui remédieront à la difficulté ?
Parfois, les avantages de la coordination peuvent être facilement réalisés par un travail spontané de réseau entre unités, tel le partage de « best practices ». Dans d’autres circonstances, cela est plus difficile, comme l’établissement de standards techniques communs (SI par exemple), qui requiert la décision régalienne du siège pour être mis en œuvre. On doit alors se concentrer sur ces « liens difficiles » où la coordination ne fonctionnera pas bien, et on essaiera de développer soit des mécanismes de coordination appropriés, soit même d’attribuer la responsabilité de cette coordination à une seule entité.
Remarque : le test « cultures de spécialistes » et le test « liens difficiles » sont en partie opposés dans leurs effets. Les faire de façon concomitante permet d’opérer des arbitrages – des réglages – en toute connaissance de cause.
6. Principe de connaissance et de compétence
Les responsabilités doivent être attribuées à la personne ou à l’équipe la mieux placée pour assembler les connaissances et compétences pertinentes à un coût raisonnable.
Test de la hiérarchie redondante :
- Tous les niveaux de la hiérarchie et toutes les responsabilités détenues par les niveaux supérieurs sont-ils fondés sur un avantage de connaissance et de compétences ?
- Au-delà de la structure formelle, les délégations de décision respectent-elles le même principe ?
C’est la question de la subsidiarité, c’est-à-dire de la délégation des responsabilités au niveau opérationnel le plus bas possible, sauf s’il y a une justification de connaissance ou de compétence pour remonter ces responsabilités à un niveau plus élevé. Gage de la valeur ajoutée hiérarchique.
7. Principe de contrôle et d’engagement
Il faut trouver un équilibre juste et pertinent entre maintenir un contrôle approprié et assurer en même temps un haut niveau de motivation, ces deux notions s’opposant dans toute organisation décentralisée.
Test de la responsabilité :
- L’organisation facilite-t-elle la création d’un processus de contrôle pour chaque unité qui soit en phase avec les responsabilités de l’unité, économique à mettre en œuvre, et motivant pour les managers de l’unité ?
Les entités et départements disposent-ils des contrôles efficaces, à bas coût, et motivants : des mesures de performance qui favorisent une autorégulation ? Par exemple une entité qui fait face à ses clients et qui dispose de mesures de résultats économiques et financiers sera plus facile à motiver et à contrôler qu’une fonction de siège, sans clients externes et avec des mesures de performance subjectives.
8. Principe d’innovation et d’adaptation
Les structures doivent être conçues pour innover et s’adapter quand les incertitudes cessent et que l’environnement change.
Test de la flexibilité :
- Est-ce que l’organisation favorise le développement de nouvelles stratégies et est-elle suffisamment flexible pour s’adapter à des changements futurs ?
Certaines structures permettent l’adaptation alors que d’autres s’ingénient à dresser des barrières, à construire de la rigidité, derrière lesquelles s’abritent des pouvoirs très résistants au changement. Ce test permet au concepteur d’envisager les cas où la structure doit rester souple afin de s’adapter, par exemple, à des évolutions de marché extrêmement rapides.
9. Principe de valorisation des personnels
Il doit y avoir adéquation entre les motivations forces et faiblesses du personnel présent dans l’organisation et leur place dans cette organisation.
Test du personnel :
- L’organisation est-elle à même de « faire avec » les différents niveaux de motivation et de compétence des personnels dont elle dispose ?
- Donne-t-elle aux meilleurs les moyens de tirer la performance ?
- Fait-elle en sorte d’entraîner les moins bons vers le haut ?
Les personnels constituent un élément tout aussi important de la conception d’une organisation. Idéalement on pourrait construire des organisations à partir d’une feuille blanche, en ne recrutant que les profils idéaux ! Mais cela est risqué, et en réalité, il est infiniment plus fréquent de rencontrer des cas où la conception de l’organisation doit être en adéquation avec une grande partie du personnel existant. C’est une sorte de contrainte particulière imposée !
C. Comment utiliser ces tests ?
Le but principal de ces neuf tests organisationnels est de poser toutes les bonnes questions en même temps. Les problèmes posés peuvent être résolus par des solutions diverses : changements de
structure, gouvernance opérationnelle revue (nouveaux processus, nouvelles règles), nominations de nouveaux managers, ou même adaptations de la stratégie, etc … Et de façon cohérente. Ces tests, par les questions qu’ils posent ont l’avantage de stimuler des idées d’organisation, et aident à peser le pour et le contre de chaque option. En somme, ces tests donnent une base d’analyse solide pour effectuer des choix rationnels d’organisation tenant compte du contexte et des défis stratégiques à date.
Essayez d’appliquer les tests sur une entreprise que vous connaissez bien et de porter un jugement synthétique sur chacun de ces tests, puis reportez les résultats sur le tableau d’évaluation de la page suivante et déduisez-en une appréciation globale en vous inspirant de la grille d’analyse des résultats proposée au-dessous du tableau.
GRILLE D’EVALUATION SYNTHETIQUE DE VOTRE ORGANISATION
TEST | Les questions posées | Négatif | Positif |
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1. Avantage de parentèle |
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2. Avantage de marché |
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3. Faisabilité |
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4. Cultures de spécialistes |
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5. Liens difficiles |
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6. Hiérachie redondante |
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7. Responsabilité |
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8. Flexibilité |
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9. Personnels |
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Analyse des résultats :
- 3 résultats clairement négatifs ou plus : consultez nous d’urgence !
- 2 résultats clairement ou moyennent négatifs : prenez un peu de temps et de moyens pour réfléchir aux solutions !
- 1 résultat moyennement négatif et les autres positifs : bien !
- 0 résultat négatif : Bravo ! Etes-vous vraiment objectif ?
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